Moi et l'Express
On va encore me dire que je suis parano.
Mais c'est déjà la deuxième fois que je retrouve dans mon journal favori, l'Express, un article consacré à un thème que j'ai abordé dans mon blog peu avant...
Cette fois, il s'agit des artistes ; vous vous souvenez peut-être de ce post où j'essayais de vous expliquer pourquoi les artistes étaient (à mon sens) des marginaux improductifs mais subventionnés (à relire ici). Eh bien je retrouve, avec surprise, dans l'Express cette semaine un article (excellent) intitulé Les artistes sont les nouveaux aristocrates.
Etonné et ravi, je retrouve un thème un peu similaire, développé avec brio par une chercheuse du CNRS (elle-même bel exemple d'improductivité subventionnée). Evidememnt, c'est toujours frustrant de trouver dans la bouche d'un autre des phrases et des idées qu'on avait dans la tête, mais que l'on ne parvenait pas à formuler complètement.
Ceci dit, moi aussi j'aurais très bien pu mener l'enquête et écrire un livre, si on m'avait payé pour ça (c'eût été avec plaisir !) et j'aurais abouti à peu près à la même chose.
Ainsi, la chercheuse Nathalie Heinich a su mettre le doigt (avec brio, je le répète) sur plusieurs phénomènes que je trouve passionnants et tellement, tellement vrais - je cite :
« Artiste, cela devient une identité qui, dans les bonnes familles, permet d'accepter un certain déclin. (...) Aujourd'hui encore, si un enfant ne réussit pas sa scolarité, on espère le voir se lancer dans le cinéma ou la production. C'est toujours une façon de ne pas décliner socialement. »
Oui, et plus frappant encore, j'ai pu remarquer en fréquentant l'une des écoles d'art les plus réputées que les élèves étaient majoritairement issus de milieux très bourgeois. Ils cultivaient d'ailleurs le paradoxe sans problème : je suis un jeune artiste rebelle, mes parents sont banquiers, ils me payent un super duplex dans le VIème (seuls les duplex sont assez lumineux pour peindre)
« Le don d'artiste est inné, exactement comme l'aristocratie. «On naît artiste», dit Jules Janin. Mais, valeurs de la Révolution obligent, ce don n'est rien si on ne le cultive pas. Le modèle de l'artiste est donc un magnifique compromis entre le privilège aristocratique et le mérite bourgeois »
D'autant plus que pour être vraiment estampillé "artiste", il faut de plus en plus réaliser un parcours académique impeccable (prépas, grandes écoles, etc...). Mais il faut en plus avoir les moyens financiers pour s'assurer une vie correcte dans un secteur précaire par nature... autrement dit il vaut mieux avoir une famille riche qui assure le loyer derrière...
« A l'avant-gardisme esthétique correspond désormais un avant-gardisme socio-politique : l'artiste se doit d'être progressiste, du côté du peuple, même si, dans la réalité, ses innovations sont généralement élitistes. »
Là c'est plus discutable... Ca devient vrai si l'artiste est aspiré dans le microcosme jet-set de l'art "riche" : à ce moment-là, il devient à la fois un artiste et un placement financier (pour ses sponsors, pour les galeries, pour les critiques...)
« Là encore, on suit le modèle de la singularité de l'artiste, fondé au XIXe siècle: il faut innover à tout prix. Mais, à l'évidence, il y a désormais un conformisme de l'anticonformisme. On l'a vu l'an dernier au Festival d'Avignon, la transgression est devenue une norme obligatoire. Se mettre nu sur scène est une sorte de standard. »
Franchement, qui est encore choqué par une bite dans une expo d'art contemporain ? Ca devient absolument banal.
De même, les idéaux gauchistes, libertaires et alter-mondialistes sont la norme politique absolue du petit monde artistique, sa mini-pensée unique à lui.
Pourtant, un artiste sarkozyste, ça, ça serait vraiment transgressif...